- POESIE |
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LA DRYADE |
LA
DRYADE IDYLLE DANS LE GOUT DE THÉOCRITE Écrit en 1815 par *ALFRED DE VIGNY* *Vois-tu ce vieux tronc d'arbre aux immenses racines? *Jadis il s'anima de paroles divines; *Mais par les noirs hivers le chêne fut vaincu. *Et la dryade aussi, comme l'arbre, a vécu. *(Car, tu le sais, berger, ces déesses fragiles, *Envieuses des jeux et des danses agiles, *Sous l'écorce d'un bois où les fixa le sort, *Reçoivent avec lui la naissance et la mort.) *Celle dont la présence enflamma ces bocages *Répondait aux pasteurs du sein de verts feuillages, *Et, par des bruits secrets, mélodieux et sourds, *Donnait le prix du chant ou jugeait les amours. *Bathylle aux blonds cheveux, Ménalque aux noires tresses, *Un jour lui racontaient leurs rivales tendresses. *L'un parait son front blanc de myrte et de lotus; *L'autre, ses cheveux bruns de pampres revêtus, *offrait à la dryade une coupe d'argile; *Et les roseaux chantants enchaînés par Bathylle, *Ainsi que le dieu Pan l'enseignait aux mortels, *S'agitaient, suspendus aux verdoyants autels. *J'entendis leur prière, et de leur simple histoire *Les Muses et le temps m'ont laissé la mémoire. *MÉNALQUE* *Ô déesse propice! écoute, écoute-moi! *Les faunes, les sylvains dansent autour de toi, *Quand Bacchus a reçu leur brillant sacrifice; *Ombrage mes amours, ô déesse propice! *BATHYLLE* *Dryade du vieux chêne, écoute mes aveux! *Les vierges, le matin, dénouant leurs cheveux, *Quand du brûlant amour la saison est prochaine, *T'adorent; je t'adore, ô dryade du chêne! *MÉNALQUE* *Que Liber protecteur, père des longs festins, *Entoure de ses dons tes champêtres destins, *Et qu'en écharpe d'or la vigne tortueuse *Serpente autour de toi, fraîche et voluptueuse! *BATHYLLE* *Que Vénus te protège et t'épargne ses maux, *Qu'elle anime, au printemps, tes superbes rameaux; *Et, si de quelque amour, pour nous mystérieuse, *Le charme te liait à quelque jeune yeuse, *Que ses bras délicats et ses feuillages verts *A tes bras amoureux se mêlent dans les airs! *MÉNALQUE* *Ida! j'adore Ida, la légère bacchante: *Ses cheveux noirs, mêlés de grappes et d'acanthe, *Sur le tigre, attaché par une griffe d'or, *Roulent abandonnés; sa bouche rit encor *En chantant Évoé; sa démarche chancelle; *Les pieds nus, ses genoux que la robe décèle, *S'élancent, et son oeil, de feux étincelant, *Brille comme Phébus sous le signe brûlant. *BATHYLLE * *C'est toi que je préfère, ô toi, vierge nouvelle, *Que l'heure du matin à nos désirs révèle! *Quand la lune au front pur, reine des nuits d'été, *Verse au gazon bleuâtre un regard argenté, *Elle est moins belle encor que ta paupière blonde, *Qu'un rayon chaste et doux sous son long voile inonde. *MÉNALQUE* *Si le fier léopard, que les jeunes sylvains *Attachent rugissant au char du dieu des vins, *Voit amener au loin l'inquiète tigresse *Que les faunes, troublés par la joyeuse ivresse, *N'ont pas su dérober à ses regards brûlants, *Il s'arrête, il s'agite, et de ses cris roulants *Les bois sont ébranlés; de sa gueule béante, *L'écume coule à flots sur une langue ardente; *Furieux, il bondit, il brise ses liens, *Et le collier d'ivoire et les jougs phrygiens : *Il part, et, dans les champs qu'écrasent ses caresses, *Prodigue à ses amours de fougueuses tendresses. *Ainsi, quand tu descends des cimes de nos bois, *Ida! lorsque j'entends ta voix, ta jeune voix, *Annoncer par des chants la fête bacchanale, *Je laisse les troupeaux, la bêche matinale, *Et la vigne et la gerbe où mes jours sont liés : *Je pars, je cours, je tombe et je brûle à tes pieds. *BATHYLLE * *Quand la vive hirondelle est enfin réveillée, *Elle sort de l'étang, encore toute mouillée, *Et, se montrant au jour avec un cri joyeux, *Au charme d'un beau ciel, craintive, ouvre les yeux; *Puis, sur le pâle saule, avec lenteur voltige, *Interroge avec soin le bouton et la tige; *Et, sûre du printemps, alors, et de l'amour, *Par des cris triomphants célèbre leur retour. *Elle chante sa joie aux rochers, aux campagnes, *Et, du fond des roseaux excitant ses compagnes : *" Venez! dit-elle; allons, paraissez, il est temps! *Car voici la chaleur, et voici le printemps. " *Ainsi, quand je te vois, ô modeste bergère! *Fouler de tes pieds nus la riante fougère, *J'appelle autour de moi les pâtres nonchalants, *A quitter le gazon, selon mes voeux, trop lents; *Et crie, en te suivant dans ta course rebelle : *" Venez! oh! venez voir comme Glycère est belle! " *MÉNALQUE* *Un jour, jour de Bacchus, loin des jeux égaré, *Seule je la surpris au fond du bois sacré : *Le soleil et les vents, dans ces bocages sombres, *Des feuilles sur ses traits faisaient flotter les ombres; *Lascive, elle dormait sur le thyrse brisé; *Une molle sueur, sur son front épuisé, *Brillait comme la perle en gouttes transparentes, *Et ses mains, autour d'elle, et sous le lin errantes, *Touchant la coupe vide, et son sein tour à tour, *Redemandaient encore et Bacchus et l'Amour. *BATHYLLE * *Je vous adjure ici, nymphes de la Sicile, *Dont les doigts, sous les fleurs, guident l'onde docile; *Vous reçûtes ses dons, alors que sous nos bois, *Rougissante, elle vint pour la première fois. *Ses bras blancs soutenaient sur sa tête inclinée *L'amphore, oeuvre divine aux fêtes destinée, *Qu'emplit la molle poire, et le raisin doré, *Et la pêche au duvet de pourpre coloré; *Des pasteurs empressés l'attention jalouse *L'entourait, murmurant le nom sacré d'épouse; *Mais en vain : nul regard ne flatta leur ardeur; *Elle fut toute aux dieux et toute à la pudeur. *Ici, je vis rouler la coupe aux flancs d'argile; *Le chêne ému tremblait, la flûte de Bathylle *Brilla d'un feu divin; la dryade un moment, *Joyeuse, fit entendre un long frémissement, *Doux comme les échos dont la voix incertaine *Murmure la chanson d'une flûte lointaine. * * *Alfred de Vigny |
LA
DRIADE *IDILLIO A IMITAZIONE DI TEOCRITO* *Scritto nel 1815 da* *ALFRED DE VIGNY* *Vedi quel vecchio tronco d'albero dalle grandi radici? *Un tempo si animava con parole divine, *Ma dai neri inverni la quercia venne sopraffatta. *E la driade anche, come l'albero, visse. *(Che tu lo sai, pastore, queste Dee fragili, *Invidiose di giochi e agili danze, *sotto la corteccia d'un albero dove le fissò la sorte, *Condividono con esso nascita e morte.) *Colei la cui presenza illuminò queste lande *Rispondeva ai pastori dal folto della verzura, *E, con segreti brusii, melodiosi e attutiti, *premiava il canto o giudicava gli amori. *Batillo biondi capelli, Menalca treccie nere, *Un giorno gli descrissero le diverse facezie. *Uno ornava la candida fronte di mirto e loto; *L'altro, con i bruni capelli rivestiti di pampini, *offriva alla driade una coppa d'argilla; *E i giunchi canori intrecciati da Batillo, *Così come l'insegnava il Dio Pan ai mortali, *Si muovevano, sospesi a verdeggianti altari. *Intesi la loro preghiera, e della lor semplice storia *Le Muse ed il tempo me n'hanno lasciato il ricordo. *MENALCA* *O Dea propizia! ascolta, ascoltami! *Fauni e silvani ti danzano intorno, *Dopo che Bacco ha ricevuto la lucente offerta; *Nascondi i miei amori, o Dea propizia! *BATILLO* *Driade dell'antico rovere, ascoltami! *Le vergini, il mattino, sciogliendo i capelli, *Quando della bruciante passione è giunta l'ora, *Ti adorano; io ti adoro, o driade del rovere! *MENALCA* *Che Libero protettore, padre dell'orgia, *Riempia di doni il tuo agreste destino, *E addobbi d'oro la vite contorta *Serpente che t'involge, fresca e voluttuosa! *BATILLO* *Che Venere ti protegga e risparmi dai suoi mali, *E ravvivi, a primavera, i tuoi splendidi rami; *E, se per qualche amore, a noi sconosciuto, *Un incanto che ti lega a qualche giovane leccio, *Che i suoi rami delicati e le verdi fronde *Si uniscano nell'aere ai tuoi rami in amore! *MENALCA* *Ida! adoro Ida, leggiadra baccante: *I neri capelli, meschiati di graspi e d'acanto, *sulla tigre, uniti da una forcina d'oro, *Ondeggiano liberi; la bocca ride ancora *cantando Evoè; l'andatura caracollante; *I piedi nudi, le ginocchia che il vestito non copre, *Svettano, e lo sguardo, di vivida fiamma, *Brilla come Febo sotto l'ardente canicola. *BATILLO* *Sei tu la prescelta, tu, vergine nuova, *Che l'ora del mattino svela ai nostri desideri! *Quando la luna dalla fronte pura, regina delle notti d'estate, *getta sul prato azzurrino uno sguardo argentato, *E' men bella della tua palpebra bionda, *Che un raggio dolce e casto sotto il lungo suo velo inonda. *MENALCA* *Se il fiero leopardo, che i giovani silvani *Aggiogano ruggente al carro del Dio del vino *Vuol condurre lontano la tigre nervosa *Che i fauni, scossi dalla gaia ebbrezza, *Non han saputo sottrarsi ai suoi sguardi ardenti, *Si ferma, si agita, e dei suoi gridi continui *Risuonano i boschi; dalla bocca spalancata, *La bava cola a fiotti sulla lingua ardente; *Furioso, sobbalza, spezza i lacci, *Il collare eburneo e i gioghi frigi: *Scatta e, nei campi su cui imprime le carezze, *Prodiga ai suoi amori focose tenerezze. *Così, quando tu discendi dalle cime boscose, *Ida! quando sento la tua voce, la giovane voce, *Annunciare il baccanale col canto, *Abbandono gli armenti, la vanga mattutina, *La vigna e il laccio a cui son legati i miei giorni: *Io appaio, corro, cado e brucio ai tuoi piedi. *BATILLO* *Quando la vivace rondine è alfine ridesta, *S'alza fuor dallo stagno, ancor tutta bagnata, *E, mostrandosi a tutti con un verso di gioia, *Apre gli occhi, timorosa, alla magia d'un bel cielo; *Poi, su un salice smorto, con lentezza volteggia, *Scruta con cura la gemma ed il fusto; *E, certa della primavera, allora, e dell'amore, *Con versi trionfanti ne celebra il ritorno. *Canta la sua gioia alle roccie, ai campi, *E, dal fondo dei roveti incita le compagne: *"Venite! lei dice; andiamo, pronte, ch'è tempo! *E' giunto il tepore, la primavera." *Così, quando ti vedo, o semplice pastorella! *Calpestare coi piedi scalzi la ridente felce, *Richiamo i pastori indolenti, *Che lascino il prato, troppo lenti, per i miei desideri; *E grido, seguendoti nella corsa ribelle: *"Venite! oh! venite a vedere quant'è bella Glycera!" *MENALCA* *Un giorno, giorno di Bacco, perso lungi dai giochi, *Sola la sorpresi al fondo del bosco sacro: *Il sole e i venti, in queste lande oscure, *Le foglie sul suo viso facevano fluttuare le ombre; *Lasciva, ella dormiva sul tirso spezzato; *Un molle sudore, sulla fronte spossata, *Brillava come perla in goccie trasparenti, *E le mani, d'intorno, sotto il lino vaganti, *Toccavano la coppa esausta, e i seni a turno, *Domandando ancora di Bacco e d'Amore. *BATILLO* *Io qui vi giuro, ninfe di Sicilia, *Le cui dita, sotto ai fiori, palpano l'onda docile; *Riceverete i suoi doni, quando sotto i boschi, *Ruggente, ella verrà per la prima volta. *Le bianche braccia sosterranno sulla testa inclinata *L'anfora, opera divina destinata alle feste, *riempita dalla tenera pera, e dall'uva dorata, *E dalla pesca dalla peluria color porpora; *Di pastori focosi l'attenzione gelosa *La circondava, mormorandone il sacro nome di sposa; *Ma in vano: nessun sguardo ne incoraggiò l'ardore *Ella fu tutta per gli Dei e tutta per il pudore: *Qui, vedo cadere la coppa dai fianchi d'argilla; *La quercia commossa tremava, il flauto di Batillo *Splendeva d'un fuoco divino; la driade allora, *Festante, fece udire un lungo fremito, *Dolce come gli echi di una voce incerta che *Mormora la canzone di un flauto lontano. * * *Alfred de Vigny |
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